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Marc Dousse
Extrait de la REVUE DES DEUX MONDES du 1er Mai 1943.

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Les "Grands Jours d'Auvergne" par Esprit Fléchier.

 

LES "GRANDS JOURS D'AUVERGNE" ET LE POUVOIR ROYAL.

Le passé de l'Auvergne fécond en événements historiques a vu se dérouler une session d'assises extraordinaires dont le retentissement profond, lui a valu même pour ceux qui n'en connaissent guère les détails, un renom impérissable : Les Grands Jours de 1665-1666.

D'autres actions judiciaires ont eu leurs historiens qui en ont conservé tous les détails, cependant aucune ne garde la renommée de celle-ci. C'est sans doute par ce qu'un écrivain doué d'une plume aisée comme d'une parole élégante, un virtuose du style, au langage précieusement contourné et curieusement alterné en périodes contrastées, a été pour beaucoup dans ce retentissement d'un procès criminel se déroulant au fond d'une province arriérée.

Ce procès des Grands Jours, si célèbre, et qui présente encore bien des détails intéressants, deux documents très différents l'un de l'autre nous fixent amplement à son sujet : la sèche énumération des sentences rendues qu'est le "Journal" tenu par le greffier des Grands Jours, Nicolas Dongois, et la relation au style précieux de l'abbé Fléchier.

Cette relation conservée à la bibliothèque de Clermont-Ferrand, - la seule que l'on connaisse - n'est qu'une copie de la seconde moitié du XVIIIe siècle : elle a, semble-t-il, subi quelques interpolations longtemps après la mort de son auteur ; on peut cependant les négliger car l'ensemble paraît bien authentique ; le style est bien celui de la correspondance de Fléchier, celui de son milieu, c'est-à-dire de l'hôtel de Rambouillet dont le jeune abbé de trente quatre ans est à ce moment complètement féru. Guez de Balzac et Voiture, coryphées de l'antithèse, n'ont pas de disciple plus enthousiaste et plus compliqué que cet amateur de contrastes piquants, qui vient précisément avec une brillante compagnie, faisant assaut de beau langage et de bon ton, s'installer pour plusieurs mois dans une province restée ou retombée dans la grossièreté du haut moyen-âge.

On trouve aux cartulaires et aux vieilles chartes auvergnates du XIe siècle de terrifiants personnages comme cet Amblard, "comtour", qui règne sur une vaste et imprécise région du haut de son bourg de Nonette, surplombant l'Allier et la route qui va du nord au midi du royaume. On lui donne dans le pays un surnom adéquat à son caractère : Amblard, dit le "Taureau rouge". Ce taureau de race de Salers a près de lui son neveu ; celui-ci est surnommé "le Mal Hiverné", c'est-à-dire le taureau au poil hérissé qui a passé l'hiver isolé et vagabond sur les plateaux montagneux où hurle le vent.

Ne cherchons pas à énumérer les meurtres, incendies, carnages de toutes sortes de ces aimables sires ; il faudra de longues années et de grandes infortunes pour les amener à ces remords salutaires et inévitables qui finiront par la fondation de quelque prieuré ; en attendant, leur vie consiste en sauvages chevauchées, brigandages quotidiens et ripailles de brutes. Ils n'ont rien des "damerets" du "Grand Cyrus".

Si lointains que paraissent dans le temps ces "hauts et puissants seigneurs", ils sont encore tout proches dans l'espace auvergnat, lorsque, débarquent à Clermont, en 1665, messieurs les parlementaires délégués par le roi Louis XIV, le souverain à la majesté radieuse dont les rayons comme ceux de l'astre du jour vont désormais pénétrer jusqu'aux recoins les plus ténébreux des provinces françaises.

En ce milieu du grand siècle, non moins noble, et presqu'aussi puissants que les comtours de Nonette, les Canillac, les d'Espinchal et une foule d'autres seigneurs petits et grands ne vivent guère de façon différente. Les guerres de religion au siècle précédent, la guerre civile de la Fronde encore toute récente, leur ont donné la possibilité de reprendre dans la carence presque totale du pouvoir royal la vie brutale et sans freins de leurs aïeux : chevauchées l'épée à la main, meurtres, rixes et batailles rangées, brigandages organisés avec des bandits à leur solde, tel est l'effroyable bilan que note imperturbablement le greffier Dongois dans son "Journal".

Comment un abbé si "bien disant" soit-il, chargé de distraire agréablement Madame de Caumartin, reine des Grands Jours, et les dames qui fréquentent son salon, pourra-t-il peindre de pareilles moeurs sous des couleurs attrayantes, ou du moins présentables à cette compagnie pour laquelle une conversation raffinée, assortie de sentiments délicats, est l'indispensable et quotidienne nourriture ? Difficile tour de force qui sera pourtant réalisé.

Et d'abord Fléchier est, au milieu même de cette difficulté, servi par une circonstance favorable : l'antithèse est le fin du fin pour ces beaux esprits parisiens naguère les hôtes de "l'incomparable Arthénice", or ici, l'antithèse, - l'opposition non des mots ou des idées, mais celle des situations, règne partout ; c'est une antithèse perpétuelle, un contraste de tous les instants que la juxtaposition de ces deux sociétés, la parisienne et l'auvergnate. "Nous avons si peu de gens polis et bien tournés dans ce pays barbare", fait dire Fléchier à une dame, soi-disant son interlocutrice. Pays affreux, dit-il encore "où l'on dépouille les autels après avoir pillé les peuples". Quelle différence même entre la politesse des Parisiennes et la gaucherie des dames de Clermont, entre la justice locale et celle qui arrive de Paris. Celle-là n'a qu'une chose à faire et n'y manque pas : "deux jours se passèrent à entendre une infinité de compliments des principaux officiers de justice voisines qui venaient s'humilier devant celle de Paris". Cette magistrature aussi était donc d'une espèce fort inférieure à l'autre, si polie, si grave, si majestueuse ...

Voilà le contraste qu'on retrouve à chaque page de la relation de Fléchier, et qui doit produire un effet tout particulièrement goûté de ses auditrices au goût subtil. Les exemples en abondent d'ailleurs au cours de ses récits avec une profusion extrême et une ingéniosité inouïe.

Avec l'antithèse fondamentale qui se présente sans cesse par le contact incessant de ces deux sociétés si dissemblables, il faut pour agrémenter vraiment le récit une transposition habile qui rende agréable même des lieux et des choses réputés affreux. Il s'agit de les présenter "avec tant de douceur et d'agrément qu'on les trouve merveilleux", comme dit l'auteur, en nous révélant son système sans y penser.

Le sauvage pays d'Auvergne, si fort décrié, en devient lui-même tout à coup un parc idyllique : "De Riom à Clermont le chemin est si beau qu'il peut passer pour une allée de promenade avec ses deux cotés arrosés de ruisseaux d'une eau fort clair et fort vive ... On découvre là une grande étendue de prairies qui sont d'un vert plus frais et plus vif que celui des autres pays. Une infinité des ruisseaux serpentent dedans et font voir un beau cristal ..." etc. Voilà qui est pour plaire, et nos dames parisiennes ne peuvent maudire trop durement leur exil momentané dans ce pays si riant, où d'ailleurs leurs allures de hautes distinctions tranchent sur le maintien embarrassé de la province et leur procurent ainsi une satisfaction appréciée.

Mais cette délégation judiciaire si imposante aura à connaître d'actions atroces et rendra de terribles arrêts. Comment les présenter aux oreilles délicates des auditrices ? Les crimes eux-mêmes, forcément indiqués, le seront en des termes qui garderont toute la décence de la bonne compagnie : les supplices qui châtieront les coupables seront en quelque sorte mentionnés indirectement sans figurer sur la scène : on n'y verra pas le spectacle pénible de l'exécution du vicomte de La Mothe Canillac, et, pour clore l'exposé, celle des frères Jean-Claude et Jacques Doniol - Les Combalibeuf - ne semble être indiquée, que pour montrer en eux, sinon des criminels vulgaires - on n'en a que trop vus - mais "deux jeunes hommes qui avaient du coeur", un caractère plein de générosité, et qui surent mourir courageusement, n'ayant d'autre culpabilité que leur solidarité avec un camarade poursuivant une vengeance personnelle.

Cette transposition incessante de situations pleines d'horreur en descriptions élégantes et confinant au badinage nous vaut de fréquentes narrations.

Voici le comte de Montvallat, seigneur de Tournoël, dont les exactions inouïes désolent ses terres : "Il vendait l'impunité à tous les coupables, aussi rien ne lui était plus inutile dans ses terres qu'un homme de bien. Il renvoyait les criminels au notaire plutôt qu'au juge et ne connaissait d'autres lois écrites que les contrats d'obligations". Et Gaspard d'Espinchal "cet homme qui a toutes les bonnes qualités naturelles et qui n'en a pas une morale".

Sur les Canillac - ample sujet s'il en fût - la verve de Fléchier transforme en récit plein de pittoresque un écheveau de crimes inouïs. Voici le portrait de l'un d'eux : "Il était de la maison de Canillac, ce qui donne bonne opinion de sa noblesse, mais non pas beaucoup de sa conduite, y ayant un dérèglement universel dans cette famille". Le comte de Canillac de Pont-du-Château passait dans l'esprit de tout le monde pour le plus grand criminel de la province. "Lorsqu'il avait besoin d'argent, il menaçait de tuer son beau-père et maltraitait si fort madame sa femme qu'il fallait pour apaiser le courroux de l'un et la misère de l'autre lui accorder ce qu'il demandait ". Or, "il fut presque acquitté, les témoins ayant manqué sur ses méchantes actions car on tremblait encore devant lui ; on était donc obligé de conclure ou qu'il était bien servi ou qu'il était bien innocent. Il sortit fièrement de sa prison, attirant contre lui et contre les juges l'indignation de toute la province ". Et le marquis de Canillac : "Il y a plus de soixante ans qu'il a commencé d'être méchant et n'a jamais cessé de l'être depuis ce temps-là. Il entretenait douze scélérats dévoués à toutes sortes de crimes qu'il appelait ses douze apôtres "qui catéchisaient avec l'épée ou avec le bâton ". Et le fils de celui-ci qui n'avait qu'un homicide sur la conscience : "Il est vrai que c'est être bien innocent en Auvergne que de n'avoir commis qu'un crime et qu'un fils qui n'a été criminel qu'une fois paraît bien juste à comparaison d'un père qui l'est toujours ".

Comme couronnement ce fut "celui qui était au sentiment de tous le plus innocent de la famille ", Gabriel de la Mothe-Canillac, qui fut condamné à mort et exécuté. Son cas n'était pas grave cependant puisqu'il ne s'agissait que d'une de ces "querelles de gentilshommes", si fréquentes en ce temps et en ce pays ; et avec qui ? avec un personnage "de qualité inférieure à la sienne", le sieur d'Orsonnette avec lequel il s'était brouillé pour questions d'intérêt, et qu'il assaillit un jour où il le rencontra sur son chemin, lui cassant une épaule d'un coup de pistolet et tuant son fauconnier, le nommé La Bastide. Une peccadille, en vérité ! D'autant qu'Alexandre de Montservier, sieur d'Orsonnette, maintenant réconcilié avec lui, était un soudard d'une violence forcenée, accusé par son propre père d'avoir tué son frère ...

Quel assemblage d'honnêtes gens et comme on comprend les caractéristiques de la noblesse d'Auvergne, d'après Fléchier lorsqu'il dit d'un personnage : "L'on connaît par ses humeurs promptes et impatientes qu'il est gentilhomme" et lorsqu'il parle de "certaines inclinaisons violentes qui sont dans le tempérament de la noblesse de ce pays", et de celui auquel "ce titre de noble qui a été longtemps un titre d'impunité pour des criminels, semble lui donner droit de faire quelques violences comme les autres, et que n'ayant pas un grand éclat de sa fortune, il crut ne pouvoir prouver sa noblesse que par quelque crime".

Et quelle ironie cruelle au sujet de M. de la Tour : "on lui rendit l'honneur qu'il méritait et on le condamna à avoir noblement la tête coupée".

Mais si ces violences inouïes des Canillac sont un spectacle plein d'horreur, Fléchier a su cependant y enchâsser une anecdote charmante pour le plus grande délectation des lecteurs comme des auditrices de jadis.

Il s'agit de Mademoiselle de Ribeyre, de cette famille des Ribeyre "assez puissante à Clermont par leurs richesses" que voulait épouser un fils du marquis de Canillac, lequel s'y opposa "ne trouvant pas assez de proportions de qualité de l'un à l'autre, et comme il avait tourmenté ses sujets il voulut tourmenter son fils, et après avoir exercé mille cruautés contre l'innocence, il en exerça contre l'amour".

Mademoiselle de Ribeyre ne put donc épouser son soupirant. "Mais le vieux marquis après lui avoir fait une grande injustice lui fit un jour une réparation à sa manière, car ayant su qu'elle devait passer par une de ses terres, il attendit son carrosse au passage et l'ayant aperçue, il vint à la portière et ayant dit au cocher d'arrêter il considéra quelque temps cette belle, sans parler. Elle qui connaissait son extravagance, et qui savait qu'elle était aussi haïe du père qu'elle avait été aimée du fils, attendit en tremblant quelque funeste aventure. Mais ce vieux pécheur l'ayant assez longtemps regardée, se retira follement en battant sa poitrine et demanda à Dieu pardon d'avoir dit que la Ribeyre n'était pas belle !".

Voilà un tableau assez joli, qui dut ravir les précieuses exilées en Auvergne et ajoute aux sombres exploits des Canillac un épisode fort divertissant...

Car Fléchier en abbé, certainement toujours en deçà des bornes de la bienséance, mais habitué à aborder les sujets ordinaires de la conversation des salons parisiens, parle volontiers de l'amour, de la beauté des dames.

Il connaît à fond leur psychologie : "On dirait que toute leur cruauté ne s'étend qu'à refuser les voeux d'un amant et à punir par le mépris la témérité qu'on a eu de les aimer ". Il indique aussi avec pertinence "que leur amour ne fait mourir que par métaphore ". Il brosse bien le portrait féminin : "Michelle de Ribeyre, la fille la plus agréable et la plus belle de ce pays, à qui la nature avait donné beaucoup de grâce extérieure, soutenue d'un beau feu et d'un enjouement réglé qui la faisait passer pour la merveille de la province ... Cette Michon qui gagnait les coeurs et attirait tous les villages par où elle passait, et faisait dire aux personnes qui ne savent flatter et qui sont plus sincères que celles des villes, qu'elle emportait le prix sur toutes les autres ".

Ce dernier trait nous fait souvenir des petits ramoneurs se retournant au passage de Madame Récamier et montre curieusement l'homme de cour Fléchier appréciant le jugement esthétique des villageois, alors qu'il raconte ailleurs la jalousie de cette méchante comtesse d'Apchier qui avait même "blasphémé contre la beauté de Mesdemoiselles Ribeyre et déclaré hautement qu'elle avait eu des femmes de chambre plus belles qu'elles, ce qui paraissait trop impudent pour être pardonné" . Nous le croyons volontiers.

Cependant tout n'était pas galanterie et délicatesse, loin de là, dans ces cantons, et à propos de certains droits pécuniaires perçus au moment du mariage, Fléchier nous dit que ces coutumes "exposaient les gentilshommes qui avaient l'autorité et n'avait pas toujours la modération à des tentations dangereuses lorsqu'ils en trouvaient quelque beau sujet ".

L'ouvrage de Fléchier repose sur des contrastes profonds ou occasionnels; son art consiste à embellir ou plutôt à transformer les tableaux qui se déroulent sous ses yeux, et à en tirer des aspects et des circonstances qui cadrent avec la tournure d'esprit importée des salons parisiens.

Son succès dans ces salons, lors du retour, dut être complet et vraisemblablement son auteur ne visait pas plus loin. Ce badinage si compliqué, si précieux ne lui sembla pas digne de dépasser le milieu et le moment pour lesquels il avait écrit. Aussi le manuscrit aux épisodes si piquants mais sans grande unité de composition fut-il relégué au fond de quelque tiroir ignoré : Dans l'esprit de l'abbé Fléchier il avait rempli son rôle tout entier.

Mais n'y a-t-il dons pas autre chose dans cette relation des Grands Jours qu'un brillant exercice littéraire, une jonglerie de mots étincelants, un assemblage laborieux de contrastes plaisants, destinés à remplir une fonction assez futile en somme : distraire des parisiennes privées momentanément de leurs passe-temps habituels ?

Il suffit de lire attentivement l'oeuvre de Fléchier pour voir que sous son badinage à l'usage des salons, il laisse souvent transparaître ce qu'il connaît, ce qu'il entend raconter chaque jour près de lui, chez Monsieur de Caumartin, touchant les grands desseins de Louis XIV et de Colbert.

Le programme des Grands Jours est comme tracé dans ce compte-rendu des opérations du conseiller Le Peletier en Haute Auvergne. Il y fit "des actions qui marquent bien l'autorité absolue du roi dans son royaume et la terreur que la justice avait imprimée dans l'esprit des peuples. On l'a vu lui seul troubler toute la contrée des montagnes ; faire reconnaître le droit où il n'avait jamais été, et porter la crainte dans des lieux qui avaient toujours été inaccessibles à la justice. On l'a vu faire des violences innocentes où l'on en faisait de criminelles ; entrer dans les châteaux les plus fortifiés ; faire ouvrir les cabinets les plus secrets et envoyer les plus fiers et les plus puissants de la province, sous la garde d'un exempt à Clermont pour rendre la raison de leur conduite ".

Fléchier écrit aussi ailleurs : "Ces choses ne laissent pas de faire voir l'autorité du Roi et la crainte qu'imprime dans les esprits la sévérité de sa justice ". Le précepteur du jeune Caumartin a donc vu plus haut que les à-côtés d'un voyage lointain dans une province peu connue des parisiens. Il a dans sa relation compris toute l'importance de la mission des magistrats envoyés par Louis XIV, à Clermont pour exécuter une opération de police rigoureuse et nécessaire.

Les résultats de cette politique de force, dans une province qui ne connaissait plus que la force, furent immédiats puisque, la terreur y fut si fort répandue qu'il se fit alors "mille conversations qui venaient moins de la grâce de Dieu que de la justice des hommes ". Les Grands Jours purent "se glorifier d'avoir fait des gens de bien dans une province où l'on se faisait gloire d'être coupable ".

"Les Auvergnats n'ont jamais si bien connu qu'ils ont un roi, comme ils le font à présent ", écrivait Novion à Colbert en octobre 1665. Aussi l'avocat général Talon n'exagèrera pas trop sa flatterie à l'égard du jeune roi lorsqu'il dira : "Il ne lui manquait que cette belle action à faire ". Certes, il frappa au point névralgique en frappant l'Auvergne brutale et déréglée : "la grande ombre de Richelieu, niveleur des repaires féodaux voyait son oeuvre se continuer avec amplitude par ces Grands Jours de 1665 ".

Dès lors le pouvoir royal est fortement assis même au fond des montagnes du Plateau central ; il y est stabilisé pour plus d'un siècle ; l'écho de ces Grands Jours se répercutera longuement dans ce pays et même dans beaucoup d'autres provinces, sous l'ancien régime. On pourra désormais s'y contenter des formes ordinaires de la justice et le roi n'aura plus besoin d'y envoyer des délégués munis de pouvoirs spéciaux : plus de Grands Jours après ceux de Clermont, terribles dans leurs effets. Ceux de 1665-1666 ont atteint le but assigné par le roi.

Si en 1665 on chansonnait encore l'intendant Bernard de Fortia, par la suite tous ses successeurs furent entourés d'un respect profond où entrait assez de crainte, et dès ce moment leur autorité pénétra jusqu'au fond des campagnes les plus reculées. Des réformes, des travaux importants, la transformation complète des villes, pourront désormais se faire par leurs ordres et réussir sans attirer d'opposition locale : la grande opération judiciaire des Grands Jours a placé hors de pair le pouvoir royal au pays d'Auvergne.

 

 

Philippe ESPERON
Transcription Philippe ESPERON-2000.